Expertise CSE

16 Mai 2024 | Droit du travail

Dans une décision du 25 avril 2024, le Tribunal Judiciaire de Dunkerque, donne les plus grands pouvoirs à l’Expert habilité en cas de risque grave pour auditionner les salariés.

Dans cette affaire, le CSE avait adopté une délibération pour mandater un Expert au visa de l’article L.231-94 1° du Code du Travail (risque grave identifié et actuel).

Cette délibération faisait suite à une réunion extraordinaire du CSE quelques semaines avant, lors de laquelle avaient été évoquée l’existence de risques psycho-sociaux dans l’entreprise, mais également la situation individuelle d’un salarié qui venait d’être mis à pied à titre conservatoire, et qui par la suite avait fait une tentative de suicide déclarée comme accident du travail.

L’Expert ainsi mandaté avait adressé à l’employeur une lettre expliquant la méthodologie qu’il allait mettre en place pour mener à bien sa mission, qui comprenait notamment des entretiens avec 35 salariés durant le temps de travail de ceux-ci.

L’employeur avait alors imaginé, non pas contester le recours à l’expertise, mais contester le nombre d’entretiens prévus.

L’Expert avait refusé de modifier sa lettre de mission.

Dès lors, l’employeur a saisi le Tribunal Judiciaire pour que soit annulé le point de la lettre de mission portant sur les auditions des salariés

La Société s’appuyait sur une décision de la Cour de Cassation du 28 juin 2023 (n° de pourvoi 22-10.293) qui avait décidé que l’Expert-comptable ne pouvait, sans l’accord exprès de l’employeur auditionner des salariés dans le cadre de la consultation obligatoire sur la politique sociale prévue par l’article L.2315-91 du Code du Travail.

De son côté le CSE exposait que les prérogatives et les règles d’intervention de l’Expert habilité dont la mission concerne la santé au travail, sont différentes de celles de celles applicables à l’Expert-comptable dans le cadre des expertises lors des consultations obligatoires.

Le Tribunal Judiciaire a retenu l’argumentation du CSE en tenant compte du fait que la mission de l’Expert habilité « concerne la prévention des risques professionnels, et, plus largement la santé des salariés », de sorte que l’arrêt du 28 juin 2023 ne pouvait être applicable qu’à l’Expert-comptable désigné dans le cadre de la politique sociale, la mission de l’Expert habilité étant différente dans son objet.

Or, si l’Expert-comptable est soumis au Code de déontologie applicable à sa profession, ce n’est pas le cas de l’Expert habilité qui lui est soumis aux règles prévues par l’arrêté du 7 août 2020, et notamment de son article 3 dont il ressort que cet expert est « amené à produire lui-même son support de travail, dans le champ notamment de la psychologie du travail, de l’ergonomie et de la sociologie ».

Dès lors, et selon le Tribunal Judiciaire, l’Expert doit pouvoir interroger les salariés sur leurs conditions de travail notamment par le biais d’entretiens sans que l’autorisation de l’employeur ne soit nécessaire ou que l’employeur puisse s’y opposer.

Le Tribunal Judiciaire a donc rejeté la demande de la Société.

Pour le moment la Cour de Cassation ne s’est pas prononcée sur le sujet.

Le Cabinet reste à votre disposition pour toute question sur ce point.

Tribunal Judiciaire de Dunkerque 25 avril 2024, n°24/00055

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